Si la guerre en Ukraine et la crise de l’énergie ont contribué à la hausse des prix, d’autres acteurs ont aggravé la situation.
L’inflation a dépassé 6 % en France en fin d’année 2022. La guerre en Ukraine a fait exploser les prix des matières premières agricoles.
L’Ukraine et la Russie représentent à eux seuls un tiers du blé commercialisé dans le monde. Lorsque les Européens décident de répliquer en arrêtant d’importer du gaz russe, c’est la facture d’énergie qui gonfle à son tour. Car les prix du gaz et de l’électricité sont liés.
La France achète de l’électricité issue de plusieurs sources : les énergies renouvelables, le nucléaire mais aussi – pour une petite partie – des centrales à charbon et à gaz. Or le prix qui va servir de référence pour fixer le tarif de toutes nos factures, c’est celui de la source de production la plus chère, même si elle est minoritaire. Donc, celle des centrales à gaz. Et comme le prix du gaz a bondi de 450 % en quelques semaines, la facture d’électricité a suivi cette hausse.
Résultat : les fournisseurs de produits alimentaires réclament à la grande distribution une augmentation de leurs tarifs pour compenser ces coûts.
C’est ce qui explique que les négociations avec la grande distribution, qui ont cours en ce moment, soient tendues.
Selon une étude du cabinet AgileBuyer, les distributeurs, qui eux veulent limiter cette hausse, estiment à 80% que certains de leurs fournisseurs pratiqueraient une inflation opportuniste. La répression des fraudes a d’ailleurs reçu, plusieurs dizaines de signalements de prix abusifs. Mais d’autres des acteurs moins visibles ont aussi une responsabilité dans certaines de ces hausses.
“L’inflation est liée à la spéculation sur les matières premières agricoles” affirme l’eurodéputé écologiste Claude Gruffat, membre de la commission agriculture au Parlement.
“C’est flagrant, car 2022 est l’année où on a produit le plus de riz, de blé, de soja et dans le même temps, les prix flambent.”
Les matières premières agricoles sont en effet aujourd’hui cotées en bourse, comme n’importe quel produit financier. Sur ces marchés, deux types d’acteurs interviennent : des négociants physiques, qui échangent réellement les marchandises, et des acteurs purement financiers.
“En juin 2022, 8 actions sur 10 à Paris étaient spéculatives. Ces acteurs viennent dérégler le marché et profiter d’une crise alimentaire.” Leur intervention contribue artificiellement à accroître l’inflation.
Olivier De Schutter, rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation:
“Les grands gagnants sont des acteurs comme Goldman Sachs, Morgan Stanley, Bank of America, JP Morgan et la City qui ont tous vu leurs profits exploser en 2022, notamment grâce à ces investissements faits de façon spéculative sur les produits financiers dérivés des matières premières agricoles. Leur pratique consiste à spéculer à la hausse. Cela envoie des signaux aux marchés et crée la bulle spéculative dont on a été victime au printemps 2022.”
Ces gains sont renforcés par le recours au trading à haute fréquence.
Mounir Laggoune, spécialiste des placements financiers chez Finary:
“Des ordres sont passés sur les marchés via des ordinateurs qui vont affoler les cours des matières premières.
C’est un marché dominé par des machines. Et cela va très loin puisque les fonds spéculatifs vont placer leurs centres de données le plus près possible de l’endroit où le marché va réceptionner les ordres pour être sûr que la donnée transite plus vite que celle de leurs concurrents. Ceux qui savent exploiter cela peuvent générer des profits énormes.”
Le Parlement européen examine en ce moment une directive sur les instruments financiers. Elle devrait mieux encadrer le trading à haute fréquence.
Via:
https://www.radiofrance.fr/franceinter/inflation-qui-sont-les-profiteurs-de-guerre-5815129