Ils sont enfin au chaud. Et au sec. Trois élèves de l’école élémentaire Richomme (XVIIIe) ont passé la nuit sous la pluie avant de rejoindre leur classe ce jeudi matin. Devant cette école du quartier de la Goutte d’or, leurs mamans prennent un petit déjeuner bienvenu au milieu d’élus et de parents du collectif Élèves sans toit, mobilisé pour la mise à l’abri des familles à la rue. L’initiative solidaire sera étendue chaque semaine pour permettre à ces familles de reprendre des forces, mais aussi de bénéficier du soutien du collectif de parents.
Jesse (le prénom a été modifié) s’accroche à la poussette dans laquelle sa cadette grignote une part de gâteaux. Sa fille aînée est scolarisée pour la première fois en classe de CE1 adaptée aux élèves allophones. « Elle me pose beaucoup de questions, elle ne comprend pas pourquoi on est obligées de vivre comme ça », raconte la maman, arrivée seule du Congo avec ses deux filles en 2023.
Elle partage son parcours migratoire difficile et sa galère quotidienne avec Sonra, dont la fille de 9 ans a pu elle aussi trouver une place à l’école. « Ma fille arrive en classe sans avoir pu se laver, cette nuit on n’a pas fermé l’œil à cause de la pluie et de la violence de la rue. Elle a froid et elle a peur c’est très dur pour elle. Heureusement qu’elle peut passer la journée à l’école comme les autres enfants », lâche cette Ivoirienne arrivée en France avec son mari il y a trois mois.
173 élèves à la rue dans le XVIIIe
Comme elles, 558 familles sont sans solution d’hébergement à Paris, selon les derniers chiffres du baromètre de l’UNICEF publié à la veille de la rentrée scolaire. Dans le XVIIIe, on dénombre 291 personnes à la rue, dont 173 enfants. Ils étaient 400 élèves scolarisés sans abri l’année dernière dans l’ensemble de la capitale.
« On décèle les familles à la rue au moment de l’entretien d’inscription en amenant doucement la question de la domiciliation. C’est un réflexe que je n’avais pas il y a encore deux ans, explique Maxime Tesnière, le directeur de l’école Richomme. Nous avons la chance d’être dans un arrondissement avec un maire qui fait tout son possible face à l’explosion du nombre de cas. »
La mairie du XVIIIe a investi 3 millions d’euros l’année dernière pour mettre aux normes l’ancien lycée Suzanne-Valadon, qui accueille 120 personnes depuis décembre 2023, dont une majorité d’enfants scolarisés.
« Nous, on scolarise tout le monde »
41 % des élèves à la rue se concentrent dans le XVIIIe arrondissement. Un chiffre qui ne s’expliquerait pas seulement par la sociologie de sa population ni par la présence historique sur son territoire de grandes associations qui offrent une domiciliation aux demandeurs d’asiles. Selon l’adjoint au maire PS du XVIIIe en charge des solidarités et de l’hébergement d’urgence Pierre-Yvain Arnaud, présent ce jeudi matin, les autres mairies d’arrondissement ne « jouent pas le jeu de la scolarisation » de tous les élèves.
« Nous, on scolarise tout le monde, on ne trie pas. Mais l’État laisse les territoires se débrouiller avec les familles à la rue qui ne sont pas de leurs compétences. Ce n’est pas non plus aux communautés scolaires de se retrouver devant ces problématiques qui n’existaient pas avant 2020 », dénonce l’élu.
Pédocriminalité à travers le monde, [27/09/2024 01:25]
Contactée, la préfecture de région assure « prioriser les familles et les femmes enceintes » via la plateforme du 115. L’Unicef et la fédération des acteurs de la solidarité relèvent pour leur part, dans le dernier baromètre, que « les nouvelles personnes en famille ne se voient pas proposer d’hébergement faute de places disponibles ou compatibles avec la composition familiale, notamment les femmes avec de jeunes enfants ».
L’ancien lycée Charles-de-Gaulle (XXe) accueille lui aussi depuis décembre dernier 120 personnes en hébergement d’urgence, tandis que le site de Charenton du lycée Théophile-Gautier sera ouvert en janvier 2025 pour la mise à l’abri de familles. « Nous avançons par étape pour que l’entièreté des territoires prennent leur part. La transformation d’anciens lycées en centre d’hébergement dans le XIXe, XIIe, le XVe est en discussion, notamment avec l’État », assure Léa Filoche, adjointe aux solidarités à la mairie de Paris.
L’élue déplore « une situation compliquée sur la question de l’hébergement d’urgence ». Elle estime que « l’État ne propose que des solutions en province, (…) ce qui implique un transfert de charge vers les collectivités locales puisque nous, nous ne pouvons pas accepter de laisser dormir des enfants dans la rue ».
« Nous essayons de faire pression pour l’ouverture de l’ancien lycée Georges-Brassens. D’autant que les hébergements mis en place pendant les JO vont bientôt fermer et remettre des familles à la rue », insiste Manon Luquet, membre du collectif Élèves sans toit et par ailleurs suppléante du député Aymeric Caron. L’élu apparenté LFI-NFP était d’ailleurs présent aux côtés des parents d’élèves de l’école Richomme ce jeudi matin.
Source https://www.leparisien.fr/paris-75/paris-dans-le-xviiie-parents-et-enseignants-se-mobilisent-pour-les-eleves-sans-abri-26-09-2024-H7U5QONBHRE4NOGFJIF6YSJ2XU.php