15.10.2024 France : Prostitution dans les Airbnb – « Si vous ne faites pas attention, vous avez une réservation par semaine ». Les locations de courte durée, via Airbnb ou Booking, sont très prisées par les proxénètes et prostituées, qui se font passer pour des clients lambdas. Au grand désarroi de la plupart des propriétaires… quand d’autres ferment les yeux.
C’est devenu une crainte chez les propriétaires d’appartements en location courte durée. Ces dernières années, les affaires de proxénétisme impliquant des logements loués en Airbnb ou sur d’autres plates-formes ont explosé. En Île-de-France, les exemples sont nombreux. Fin septembre, une adolescente de 15 ans avait été séquestrée par trois hommes et forcée à se prostituer dans un logement de la rue d’Alésia à Paris, loué sur une plate-forme. Quelques semaines plus tôt, même scénario, cette fois dans le XIXe arrondissement de Paris.
« Ça m’est arrivé, admet Abdeslem Zeghli. Quand j’ai commencé à louer sur Airbnb, j’étais un peu candide. Certaines me disaient qu’elles étaient infirmières libérales et qu’elles bougeaient beaucoup, d’autres qu’elles venaient voir de la famille… Et on s’aperçoit de petites choses. Elles posent beaucoup de questions sur l’accès à l’immeuble, elles demandent s’il y a un digicode, si les chambres sont équipées de serrures… »
Des appartements rendus dans un état impeccable
Un jour, alors qu’il loue un T3 à Nanterre (Hauts-de-Seine), l’un de ses voisins l’appelle pour lui signaler des allées et venues dans l’appartement. Abdeslem décide de planquer devant l’immeuble, « comme un flic ». « Je les ai confrontées et elles m’ont donné des excuses : c’étaient des amis, le livreur Uber, etc. » Abdeslem décide de leur faire confiance. « Quand j’ai récupéré l’appartement, il était nickel, elles avaient même mis les draps à la machine et lancé le programme… » Abdeslem finit par faire des recherches et tombe sur l’une d’elles sur un site d’escort-girls.
Depuis, celui qui est à la tête d’une entreprise spécialisée dans la location courte durée fait un point d’honneur à ne plus se laisser berner. Et ce n’est pas toujours une mince affaire. « Si vous ne faites pas attention, vous avez au moins une réservation par semaine pour chaque appartement, estime-t-il. J’en ai encore refusé trois ce week-end. »
Si Abdeslem est intransigeant sur la question, selon lui d’autres décident de fermer les yeux. « J’ai déjà appelé un propriétaire dans un immeuble où je loue un logement parce qu’il y avait des prostituées dans son appartement… Il m’a dit qu’il allait régler ça, et le lendemain, elles étaient toujours là. »
Car souvent les prostituées sont de « bonnes locataires ». Pour éviter de voir leur profil évincé des plates-formes, elles s’assurent de rendre l’appartement dans un état irréprochable. Et pour certains, c’est bien là l’essentiel. « Nous, on est très vigilants sur l’état de l’appartement. C’est surtout ça, après… », élude ce propriétaire d’un appartement en Seine-Saint-Denis qui reconnaît avoir sans doute été confronté à ce phénomène. « Quand on a plusieurs logements, on ne peut pas contrôler tous les profils », justifie-t-il. Quand on lui fait remarquer qu’un risque de poursuites pénales existe, il nous interroge sur les éventuelles conséquences : « C’est ça qui m’intéresse, on risque quoi ? »
Risques de condamnation
En 2022, en Moselle, un propriétaire avait été condamné à 20 000 euros d’amende pour avoir loué un appartement à des prostituées, alors même qu’il affirmait ne pas être au courant des activités de ses locataires. « Le législateur a délibérément souhaité une définition large du proxénétisme, indique une source judiciaire. Demain, si vous mangez au McDonald’s avec quelqu’un que vous savez être une prostituée et qu’elle paye le repas, vous pouvez être poursuivi pour proxénétisme. Le seul fait de profiter des revenus issus de la prostitution est constitutif du proxénétisme. »