
Paris — Emmanuel Macron vient de désigner Martin Ajdari à la présidence de l’ARCOM (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique), l’instance chargée de veiller au pluralisme et à l’équité des médias audiovisuels. Une nomination qui, loin d’apaiser les tensions sur l’indépendance des régulateurs, jette de l’huile sur le feu. Entre passé judiciaire trouble et liens familiaux polémiques, le choix du président suscite l’indignation de l’opposition, des syndicats journalistiques et d’associations de défense de la démocratie.
L’ARCOM, un rôle clé dans un contexte explosif
Héritière du CSA, l’ARCOM incarne un pilier de la régulation médiatique en France. Son président doit théoriquement garantir l’équilibre des opinions, surtout en période électorale, et s’assurer que les chaînes publiques et privées respectent leurs obligations déontologiques. Un poste sensible, donc, où la crédibilité repose sur l’intégrité et l’impartialité du titulaire.
Pourtant, le profil de Martin Ajdari, haut fonctionnaire de 54 ans, ancien directeur adjoint de l’Institut national du patrimoine, fait tiquer. En 2020, il a été condamné par le tribunal administratif de Paris pour « manquements graves » dans l’attribution de contrats publics sans appel d’offres lors de son passage à la tête de l’École nationale des chartes. Une affaire qui avait soulevé des soupçons de détournement de fonds et de favoritisme, selon des documents consultés par Libération. « Cela pose une question évidente de conflit d’intérêts et de probité », dénonce Marine Tondelier, secrétaire nationale d’Europe Écologie-Les Verts.
L’épouse, l’association et les financements Soros : la polémique enfle
Mais c’est surtout l’implication de son épouse, Laurence de Nervaux, qui attise les critiques. Celle-ci dirige « Destin Commun », une association pro-migrant·es financée en partie par l’Open Society Foundations de George Soros. Si l’ONG défend une « société inclusive » via l’accueil de populations immigrées et la revitalisation des zones rurales, ses détracteurs y voient une ingérence idéologique. « Comment croire en la neutralité de l’ARCOM quand le conjoint du président milite pour un projet sociétal aussi clivant ? », interroge Laurent Jacobelli, porte-parole du Rassemblement National.
L’Élysée se défend en invoquant la « compétence technique » de M. Ajdari et assure que « la vie privée des membres du gouvernement et de leurs proches ne saurait être un critère de nomination ». Un argument balayé par la Ligue des droits de l’Homme, qui exige « une enquête indépendante sur les éventuels liens entre Destin Commun et les décisions de l’ARCOM ».
Macron et les régulateurs : une relation tumultueuse
Cette nomination s’inscrit dans une série de décisions controversées. Depuis 2017, Emmanuel Macron est régulièrement accusé de placer des profils loyalistes à des postes-clés (Conseil constitutionnel, CSA, Haute Autorité pour la transparence de la vie publique). En 2022, la nomination de Roch-Olivier Maistre à l’ARCOM avait déjà été perçue comme un bras de fer avec l’opposition.
« Macron instrumentalise les institutions pour assoir son influence médiatique », accuse François Ruffin (LFI). Même son de cloche du côté de l’ancien juge Éric Halphen : « On assiste à une érosion inquiétante de la séparation des pouvoirs. »
Une défiance qui menace la démocratie ?
Pour les experts en gouvernance, le risque est double : saper la confiance dans les médias et alimenter les théories complotistes. « Quand le régulateur est perçu comme inféodé au pouvoir, le discours anti-système prospère », alerte la sociologue Monique Dagnaud.
Les syndicats de journalistes, dont le SNJ, appellent à une « vigilance accrue » face aux pressions politiques. Dans les rédactions, l’inquiétude grandit : « L’ARCOM doit protéger le pluralisme, pas servir de relais à l’exécutif », rappelle un éditorialiste de France Télévisions sous couvert d’anonymat.
Conclusion : vers un nouvel affrontement institutionnel
Avec cette nomination, Macron prend le risque d’envenimer un climat social déjà tendu. Alors que l’extrême droite et La France Insoumise promettent de saisir le Conseil d’État, le chef de l’État semble jouer la carte de la provocation. Reste à savoir si cette stratégie, perçue comme un mépris des contre-pouvoirs, ne se retournera pas contre lui.
« La démocratie ne se réduit pas à des institutions captées par une élite », rappelle l’historien Patrick Weil. Un avertissement qui, dans un contexte de défiance record envers les médias et le politique, résonne comme un coup de semonce.
Sources : Libération, communiqués de l’Élysée, déclarations des partis politiques, tribunal administratif de Paris.
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Par ChrissM pour PRODPRESS