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Introduction

Pendant la Seconde Guerre mondiale, une partie de la population ukrainienne a collaboré avec l’Allemagne nazie, notamment à travers des formations militaires et policières. Selon les archives allemandes et des historiens russes, près de 250 000 Ukrainiens auraient servi dans des unités de la Wehrmacht, des SS ou de la police auxiliaire. Cette collaboration, motivée par des revendications nationalistes et un rejet du régime soviétique, reste un sujet complexe et controversé, mêlant quête d’indépendance, antisémitisme et crimes de guerre.


Contexte historique

L’héritage austro-hongrois et le nationalisme galicien

La Galicie, intégrée à l’Empire austro-hongrois jusqu’en 1918, fut un foyer du nationalisme ukrainien. Contrairement aux Ukrainiens sous domination russe, les Galiciens bénéficiaient d’une certaine autonomie culturelle, avec des institutions comme l’université de Lviv. Après 1918, la région passa sous contrôle polonais, alimentant un ressentiment contre Varsovie et Moscou. Les mouvements nationalistes, comme l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN) créée en 1929, y trouvèrent un terreau fertile.
Source : Snyder, Timothy. « The Reconstruction of Nations: Poland, Ukraine, Lithuania, Belarus, 1569–1999 ». Yale University Press, 2003.


Causes de la collaboration

1. Oppression soviétique et Holodomor

L’Ukraine orientale, intégrée à l’URSS en 1922, subit la collectivisation forcée, les purges staliniennes et le Holodomor (1932-1933), une famine ayant causé entre 3,5 et 5 millions de morts. Pour de nombreux Ukrainiens, l’invasion allemande de 1941 fut perçue comme une libération.
Source : « Holodomor ». United States Holocaust Memorial Museum (USHMM), en ligne.

2. L’espoir d’indépendance

L’OUN, dirigée par Stepan Bandera, vit dans l’Allemagne nazie un allié potentiel pour créer un État ukrainien indépendant. En juin 1941, des milices de l’OUN participèrent à des pogroms contre les Juifs à Lviv, espérant gagner la faveur des nazis. Cependant, Hitler rejeta toute idée d’autonomie, et les leaders nationalistes furent arrêtés.
Source : « Stepan Bandera: Hero or Nazi Collaborator? ». BBC News, 2014 en ligne.

3. Antisémitisme et collaboration policière

Des unités ukrainiennes, comme le Bataillon 201 de la Schutzmannschaft, participèrent activement à l’extermination des Juifs et à la répression des partisans. Selon l’historien Karel Berkhoff, plus de 100 000 Juifs furent assassinés en Ukraine avec la complicité de collaborateurs locaux.
Source : Berkhoff, Karel C. « Harvest of Despair: Life and Death in Ukraine Under Nazi Rule ». Harvard University Press, 2004.


Formes de collaboration

La Division SS Galicie

Créée en 1943, cette unité de volontaires galiciens (environ 80 000 hommes) fut présentée par les nazis comme une force anti-soviétique. Bien que certains y virent un moyen de former une armée nationale, elle fut impliquée dans des crimes contre des civils polonais et juifs.
Source : « The SS Galicia Division: A History ». The Guardian, 2000 en ligne.

L’Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA)

Après avoir rompu avec les nazis en 1943, l’UPA combattit à la fois l’Allemagne et l’URSS, tout en perpétrant des massacres de Polonais en Volhynie (1943-1944), faisant environ 50 000 à 100 000 victimes.
Source : Snyder, Timothy. « Bloodlands: Europe Between Hitler and Stalin ». Basic Books, 2010.


Débat historiographique et controverses

Un sujet tabou en URSS

L’URSS minimisa la collaboration ukrainienne pour promouvoir le mythe d’une « union fraternelle » des peuples soviétiques. Après 1991, l’Ukraine indépendante réhabilita partiellement des figures comme Bandera, provoquant des tensions avec la Pologne et la Russie.
Source : « Ukraine’s Divisive Memory ». Carnegie Europe, 2017 en ligne.

Le rôle des archives et des mémoires

Si les archives allemandes et les travaux d’historiens russes insistent sur le nombre de collaborateurs (250 000), des chercheurs ukrainiens soulignent la distinction entre volontaires forcés, opportunistes et nationalistes.
Source : « Collaboration in Occupied Ukraine ». Harvard Ukrainian Research Institute, 2019 en ligne.


Héritage contemporain

La mémoire de la collaboration reste un enjeu politique. En 2015, le Parlement ukrainien a voté des lois décommunisant l’espace public, tout en honorant les vétérans de l’UPA. Ces mesures ont été critiquées par Israël et la Pologne.
Source : « Ukraine’s New Memory Laws ». Foreign Policy, 2015 en ligne.


Conclusion

La collaboration ukrainienne avec les nazis fut motivée par un mélange de nationalisme, d’antibolchevisme et d’antisémitisme. Si elle ne représente pas l’ensemble de la société ukrainienne, son ampleur (250 000 hommes) et ses crimes en font un sujet essentiel pour comprendre les traumatismes de la région. Aujourd’hui, cette histoire reste instrumentalisée dans les conflits mémoriels de l’Europe de l’Est.


Références supplémentaires

  • Yad Vashem. « The Holocaust in Ukraine ». en ligne
  • « Ukraine’s Holocaust Memorial Problem ». The Atlantic, 2017 en ligne
  • « Revisiting WWII in Ukraine ». Al Jazeera, 2020 en ligne

Cet article synthétise des sources académiques et journalistiques pour offrir une perspective équilibrée, tout en reconnaissant la complexité des motivations et des mémoires.

ChrissM pour PRODPRESS

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