
Paris, 28 Mars 2025 – Alexis Kohler, secrétaire général de l’Élysée et figure clé de l’entourage d’Emmanuel Macron depuis 2017, quitte la présidence pour prendre les rênes de la Société Générale en tant que directeur général adjoint. Une nomination validée par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), malgré sa mise en examen pour « prise illégale d’intérêts » liée à ses relations avec l’armateur MSC. Un départ qui relance le débat sur l’opacité des allers-retours entre haute fonction publique et secteur privé.
Un pilier de l’Élysée en mouvement
Alexis Kohler, 52 ans, a été l’un des architectes discrets du quinquennat Macron. Polytechnicien et énarque, il a occupé des postes stratégiques au ministère de l’Économie avant de devenir le « bras droit » du président en 2017, supervisant les dossiers sensibles et le flux des décisions présidentielles. Son départ, après huit ans de loyauté, intervient dans un contexte tendu pour l’exécutif, mais aussi personnel : il est visé depuis 2022 par une enquête judiciaire pour conflits d’intérêts présumés avec MSC, géant maritime dont sa famille est actionnaire.
La HATVP, saisie pour avis sur sa reconversion, a estimé qu’il n’y avait « aucune incompatibilité » avec ses futures fonctions. Selon l’institution, les poursuites en cours ne constituent pas un obstacle légal, car « l’infraction reprochée n’est pas en lien direct avec ses futures activités bancaires ». Une position qui suscite l’incompréhension chez les observateurs.
Une mise en examen qui plane sur la nomination
Le parquet national financier (PNF) enquête sur des soupçons de favoritisme entre 2010 et 2016, période où Kohler était en poste à Bercy puis au cabinet de Macron, alors ministre. Il est accusé d’avoir participé à des décisions profitant à MSC, sans avoir déclaré ses liens familiaux (sa mère était cadre du groupe). Kohler dément toute irrégularité, affirmant avoir été « transparent » sur ses liens avec l’armateur.
Malgré cela, la Société Générale a confirmé sa nomination, saluant « son expertise des dossiers complexes et des enjeux publics-privés ». Contactée par ChrissM PRODPRESS, la banque n’a pas souhaité commenter les poursuites, précisant que « la présomption d’innocence prévaut ».
Critiques et silences politiques
L’opposition dénonce une « culture de l’impunité ». « Un haut fonctionnaire mis en examen peut-il diriger une banque systémique sans que cela pose question ? C’est un mauvais signal pour l’éthique publique », s’indigne un député LR sous couvert d’anonymat. À l’inverse, l’Élysée se retranche derrière l’avis de la HATVP, rappelant que « la justice suit son cours ».
Les ONG anti-corruption, comme Transparency International, pointent un « vide juridique » : « La législation française interdit aux ministres de rejoindre le privé dans leur secteur de supervision pendant trois ans, mais cette règle ne s’applique pas aux collaborateurs présidentiels », explique un expert.
Société Générale : un choix risqué ?
En intégrant la deuxième banque française, Kohler hérite d’un secteur en turbulence (cybermenaces, régulation climatique, etc.). Si son réseau politique et sa connaissance des arcanes de l’État pourraient être des atouts, son image reste entachée par l’affaire MSC. « Le risque réputationnel est réel, mais la banque mise sur son influence pour naviguer dans les eaux réglementaires européennes », analyse un économiste.
Un symbole des « pantouflages » à la française
Ce cas relance le débat sur les « revolving doors », ces passerelles entre public et privé. Entre 2017 et 2022, 43 % des membres de cabinets ministériels ont rejoint des entreprises régulées, selon l’ONG Anticor. La HATVP, dont les avis ne sont que consultatifs, plaide pour un renforcement des « délais de carence », mais les réformes patinent.
Interrogé par ChrissM PRODPRESS, un ancien membre de la HATVP souligne : « Le problème n’est pas Kohler, mais le système. Tant que les conflits d’intérêts potentiels ne seront pas mieux encadrés, ces controverses persisteront. »
Épilogue judiciaire et enjeux futurs
Le procès d’Alexis Kohler, s’il a lieu, pourrait éclipser ses nouvelles fonctions. En attendant, son parcours incarne les zones grises d’une République où mérite et opacité coexistent. Pour Emmanuel Macron, qui perd un fidèle, l’affaire rappelle que les scandales de ses proches continuent de hanter son bilan.
ChrissM PRODPRESS