5 millions d’individus, soit près de 10 % de la population française de plus de 20 ans, figurent au fichier national automatisé des empreintes génétiques. 75 % d’entre-eux sont présumés innocents, faute d’avoir été condamnés pour ce qui leur a valu d’être fichés, mais y figurent toujours comme « suspects ». En y incluant les personnes indirectement identifiables, cela représente plus du tiers de la population française.
Près de 5 millions d’individus (4 868 879 exactement) figuraient en 2020 au Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), soit plus de 7 % de la population française, et 9,5 % des plus de 20 ans. À quoi il convient de rajouter 724 797 « traces stockées » prélevées sur des scènes d’infraction ainsi que des cadavres d’inconnus, et qui n’avaient pas encore été reliées à une identité.
Le chiffre figure en annexe d’un appel d’offres publié cet été par le ministère de l’Intérieur. Le marché, estimé à 1 666 666,67 € (HT) sur quatre ans, porte sur la maintenance du système informatique FNAEG-NG (pour « nouvelle génération »). Le précédent avis indiquait qu’en 2016 le fichier stockait les identifiants de 3,42 millions d’individus, plus 378 462 traces non identifiées.
Le nombre de personnes fichées a donc progressé de plus de 42 % en seulement quatre ans. Les traces non identifiées ont dans le même temps, explosé de plus de 91 %. Or, comme le soulignait Slate en 2013, la recherche par parentèle permet d’identifier les parents, frères et soeurs des personnes fichées, et donc cinq fois plus (les familles ayant, en moyenne, deux enfants).
Dans un article intitulé « Vers une remise en cause de la légalité du FNAEG ? », les chercheurs Ousmane Gueye et François Pellegrini (qui a, depuis, été élu vice-président de la CNIL), revenaient en 2017 sur ce qu’ils qualifiaient de « problématique de la recherche en parentèle », autorisée depuis 2016 « aux fins de recherche de personnes pouvant être apparentées en ligne directe » (ascendants et descendants) avec « une trace biologique issue d’une personne inconnue » :
« En supposant qu’en France le nombre moyen d’enfants par femme est d’environ 2,1, qu’il y a à peu près autant d’hommes que de femmes dans la population, et que les deux parents et les enfants de chaque personne sont effectivement connus, on peut considérer que chaque personne possède environ 2,1 descendants directs en moyenne et donc que le coefficient multiplicateur entre le nombre de personnes présentes et celles qu’il est possible d’impliquer directement ou indirectement est de 5,1. »
Pour les chercheurs, « la mise en œuvre de la recherche dite “en parentèle” le transforme en fichier des “gens honnêtes” », ce qui modifie profondément les finalités du fichier, « au point de rendre celles-ci incompatibles avec les principes affirmés par la Constitution et la Convention européenne des droits de l’Homme. Une réforme profonde du FNAEG est donc nécessaire », écrivaient-ils.
En 2013, le FNAEG répertoriant 2 millions de profils génétiques, Slate avait titré son article « L’ADN d’un Français sur six est fiché ». En 2017, 3,5 millions de personnes y étaient fichées, soit « près de 5 % de la population française », mais « plus de 14 millions de personnes », ou 25 % de la population française, en y ajoutant les parentèles indirectement identifiables.
Le nombre de fichés ayant probablement dépassé les 5 millions en 2021, on peut donc estimer que les identifiants génétiques de plus de 25 millions de personnes, soit plus d’un Français sur trois, figurent désormais, en tout ou partie, dans le fichier.